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Titre : GITS : Innocence

Sorti en 2004

Réalisé par Mamoru Oshii
Scénario par Mamoru Oshii
Produit par Production I.G
Musique de Kenji Kawaii
Character Design : Okiura Hiroyuki, Takeuchi Atsushi











Après avoir réalisé le premier film concernant le manga dessiné et écrit par Masamune Shirow en 1989, Mamoru Oshii réalise le second film concernant les aventures de la Section 9. Pour ceux qui ne connaîtraient pas l'oeuvre de Masamune Shirow, je vais vous faire un rapide récapitulatif. Tout d'abord Ghost In The Shell se déroule dans le futur, plus précisément en 2029. A ce moment l'informatiques et les réseaux en découlant ont pris une place de plus en plus importante dans la vie des Hommes. Chaque parcelle du monde civilisé est désormais connectée à un réseau et les cerveaux eux même n'en sont plus exempts. Le piratage informatique a donc pris valeur de crime mettant en jeu la vie de milliers de personnes tout autant que l'économie elle même. A cet effet, au japon fut créé la Section 9 une agence gouvernementale chargée de la sécurité intérieure du japon. Cette agence très secrète dirigée par le non moins secret Aramaki oeuvre dans l'ombre afin de protéger le gouvernement japonais des pirates et des menaces terroristes diverses ayant emergées au début du XXIème siècle.
La section 9 c'est surtout une équipe, anciens mercenaires, ceux ci furent recrutés par Aramaki pour constituer l'essence de la nouvelle agence. Ainsi apparaissent le major kusanagi ancienne militaire au passé trouble et inconnu, dont le corps est entièrement cybernétisé, lui permettant d'effectuer des prouesses physiques et mentales surhumaines. Puis viens Batou, homme a la stature imposante spécialisé en armes lourdes très proche du Major. Ishikawa le hacker spécialisé dans l'infiltration électronique, le renseignement et la liaison entre les membres d'équipes et Togusa un ancien policier qui fut recruté a la création de la section 9. Dans le premier film, ils affrontent un dangereux pirate nommé le Puppet Master qui se révèlera être une Intelligence Artificielle et qui se mêlera au Major Kusanagi avant sa disparition. Voici pour le premier film, qui traite uniquement d'une partie des deux premiers tomes du manga. GITS est une oeuvre abyssale, complexe au graphisme et au scénario fouillés. Complots et manipulations politiques ne sont pas rares pour déstabiliser la toute jeune section 9 qui doit toujours risquer plus pour découvrir la vérité au sujet des diverses menaces de ce début de millénaire.

Cyberpunk

Ce second film, suite plus ou moins directe du premier, se focalise principalement sur Batou et Togusa. L'agence peine a exister sans la présence du Major, elle se retrouve malgré tout confrontée a une série d'étranges meurtres perpetrés par des gynoïdes. Une nouvelle série de ces machines semble en effet souffrir d'un disfonctionnement. Devant l'impuissance de la police locale, la section 9 est chargée de l'affaire. Batou et Togusa vont devoir plonger dans les milieux de la pègre et de la prostitution pour en démêler l'écheveau d'une sombre conspiration.
Toujours servi par les musiques somptueuses de Kenji Kawaii, le film paraît bien plus sombre que son prédécesseur malgré des couleurs plus chaudes. La musique tantôt mélancolique, angoissante ou oppressante, accompagne l'enquête étrange dans laquelle sont impliqués nos deux héros. Que se cache t'il derrière cette série de meurtres ? Pourquoi ces machines pourtant incapables du fait des trois lois d'asimov, de faire du mal à un être humain, tuent elles sans discernement ?
Ghost in the shell: innocence est un film résolument sombre, le réalisateur y mêle habilement le polar et le cyberpunk. On se rapproche énormément d'une ambiance a la Gibson (Necromancien, Lumière Virtuelle, Mona Lisa S'éclate, Comte Zéro) père du cyberpunk, dont les livres content eux aussi l'histoire d'une humanité aux prises avec la technologie et ses propres démons. Le film est bien moins orienté action que le premier opus, de nombreuses références philosophiques et religieuses viennent émailler le dialogue entre Nietzsche et la Bible. Les personnages font montre d'une grande intelligence et pourtant ils cotoient folie et décadence. Mamoru Oshii ne prend pas de gants avec le spectateur, il le plonge dans ce monde avec ses personnages et semble vouloir le noyer entre la beauté spectaculaire des Mégapoles inondées de l'or du crépuscule et l'obscurité des ruelles d'une ville constamment plongée dans l'obscurité. Chaque image de ce film est un tableau, chaque ligne de dialogue une énigme, on se prend a ne plus rien vouloir comprendre et seulement vouloir surnager au milieu de cette vague d'images a la beauté saisissante. Le tout accompagné, comme je l'ai dit plus haut, d'une bande son hallucinante. Un véritable hommage au cyberpunk et au polar noir.

Résurgence

Ce second opus s'inspire aussi des derniers tomes du manga de Masamune Shirow : "Man Made Machine". Le monde semble avoir changé du tout au tour en quelques années, les Mégacorporations semblent avoir englouti les gouvernements et les milliards d'être humains ignorants des dangers inconnus qui les cotoient semblent être devenus des fourmis dans l'ombre des immenses gratte-ciels. Les machines semblent avoir pris le pouvoir sur l'homme et pourtant Mamoru Oshii semble vouloir nous dire a travers ce film que l'humanité en nous reste inviolable. Que l'instinct de survie reste plus fort que tout.
Je ne crois pas m'avancer beaucoup en disant que Mamoru Oshii a eu pour parti pris sur ce film de nous faire cotoyer la folie dans tout ses états. Une partie du film vous plonge même dans un rêve sans fin dont vous aurez bien du mal a vous remettre. Innocence surpasse ainsi beaucoup de films de ces dernières années inspirés de la Cyber-génération dont nous sommes issus. Nous ne voyons pas les implants cybernétiques, et pourtant nous utilisons des portables facilement piratables, notre vie est écrite sur des pages entières sur le réseau. Ou le numérique cotoie la vie, la folie cotoie la raison, tout semble basculer dans un maelstrom infini de vide...
L'humanité semble dépérir, rien ne semble émerger de cette décadence si ce n'est un chaos indescriptible et codé dans les mailles du réseau. Mamoru Oshii nous conte aussi une apocalypse, la notre celle que nous vivons. L'onirisme du film cotoie souvent le cauchemar de la réalité, lorsque l'on s'élève au dessus de la masse informe et grouillante de l'humanité en proie a l'anonymat le plus total et où pourtant règne l'individualisme, on voit un paysage d'une beauté a couper le souffle. L'enfer et le paradis semblent en effet se cotoyer dans cette oeuvre. Et l'enquête semble être une longue descente aux enfers afin de trouver Eurydice mais Orphée tournera t'il la tête pour y voir disparaître son aimée dans l'oubli ?


Un renouveau ?

Mamoru Oshii réalise donc ici l'une des plus belles pièces du cinéma d'animation japonais. Une oeuvre a la fois technique de par son animation léchée, son esthétique froide, hallucinante de beauté, mais aussi un scénario qui dans l'absolu n'est pas d'une grande complexité mais dont Mamoru Oshii a su en tirer toute la substance. Une oeuvre introspective qui demande un effort intellectuel tout autant qu'une remise en question. Sans ambage il aborde des sujets durs, qui nous concernent ou nous concerneront tous dans un futur proche. Mais Ghost In The Shell : Innocence n'est pas son prédecesseur, il est même d'une certaine manière son antithèse, là ou le premier film était dynamique, une envolée scénaristique, une véritable course jusqu'a sa fin brutale, le second opus est beaucoup plus contemplatif, les longs dialogues et la lenteur omniprésente pourraient décourager ceux qui n'ont été charmé que par l'action du premier film et n'ont pas su en retirer l'essentiel, c'est à dire l'histoire. Les autres seront charmés par la beauté de l'histoire, sa profondeur tout autant que sa simplicité. Beaucoup ont dit qu'Innocence n'était qu'une masturbation intellectuelle, une sorte de Godard sauce science fiction, qu'Oshii avait alourdi son film afin d'en cacher les failles. Et pourtant je ne crois pas avoir décelé de failles dans ce second opus a part peut être la pauvreté d'esprit des critiques qui n'y ont rien entendus. A noter aussi la présence de nombreux clins d'oeil a Avalon dans le film. Je puis assumer sans me tromper que ceux qui ont aimé Avalon adoreront Ghost In The SHell Innocence, ne reste plus qu'aux autres a abandonner le cyberpunk et surtout Ghost In The shell. Cela me rappelle pour beaucoup les détracteurs de la trilogie Matrix qui n'ayant rien compris a l'histoire pestaient contre un film trop mou et débile disaient ils. Je pense que le spectateur pour tout oeuvre quel quelle soit se doit de faire un effort. Car l'Oeuvre d'Art, qu'elle soit filmée, dessinée, écrite ou chantée réclame du spectateur son action, sa réflexion qu'il soit pris dans le jeu et avance de lui même dans l'histoire. Que ceux qui croient que tout doit leur être remis sans compromis passent donc leur chemin, Ghost In The Shell, oeuvre sans compromis, est un film qui restera obscur a ceux qui refusent de jouer le jeu, pour les autres le plaisir sera total. Mamoru Oshii réalise donc ici l'une de ses oeuvres majeures, surpassant même la qualité du premier opus sans tout en le complétant.


Shiguré Takaiwa