Poursuivant son cycle d’éditions en DVD des chefs-d’œuvre du studio Ghibli, Buena Vista a sorti chez nous voilà bientôt deux ans Le Château dans le Ciel, premier des anciens films ressortis. Miyazaki confirme-t-il sa réputation de meilleur cinéaste du monde de l’animation ? Réponse dans les lignes qui suivent…
L’aventure avec un grand A
Commençons par le scénario. Pazu est un jeune garçon vivant seul. Sa quotidien est rythmé par le travail à la mine. Pas malheureux malgré son statut, il est très apprécié dans son village. Un jour, alors qu’il est affairé à manœuvrer un ascenseur, il aperçoit une lueur dans le ciel, qui descend lentement. C’est avec étonnement qu’il se rend compte que ce halo entoure une jeune fille endormie, ce qui manque de lui faire faire une erreur dans la manipulation de la machine. Il se précipite in extremis pour rattraper la jeune fille qui allait tomber dans un puits. Une fois dans ses bras, la pierre qu’elle avait autour du coup produisant le halo cesse de briller, et la demoiselle arrête de flotter puis tombe dans ses bras. Le jeune garçon parvient à la remonter et à la déposer sur la plate-forme. Elle se réveille le lendemain, dans la maisonnette du garçon. Et c’est là que son passé la rattrape : l’armée la poursuit… Voici résumé en quelques mots le début de ce film. Certains pourront trouver cela très classique, mais moult rebondissements interviendront, vous faisant à chaque fois frissonner. Le rythme du film est parfait, alternant scènes de courses-poursuites aériennes, haletantes et finement réalisées, et des moments plus calmes et posés. Un script classique dans le fond, mais d’une efficacité rare, très passionnant et prenant.
Quand a la mise en scène, que dire, si ce n’est qu’elle est parfaite. Les passages d’actions filmés tantôt de loin pour souligner la taille démesurée de certaines machines volantes, tantôt de près pour mettre en valeur l’excellente animation des personnages succèdent aux lents travellings qui nous permettent de contempler les superbes paysages du film, avec un rendu peinture très agréable. Ajoutez à tout cela une petite touche d’émotion, celle qui vous fait frémir de bonheur et vous donne des frissons de joie, et vous obtenez un tout enchanteur. Une réussite narrative servie par une mise en scène de qualité.
La passion du ciel
C’est un fait, Miyazaki est passionné par tout ce qui vole, et il n’hésite pas à l’exprimer au travers de plusieurs éléments du film. Tout d’abord dans l’étonnant générique de début : on y voit en quelque sorte une rétrospective de ce qu’a pu vivre la civilisation dans le passé. Aux engins volants divers au design original mais cohérent s’opposent de véritables îles volantes, maintenues en l’air par d’énormes hélices. Une mise en avant des machines volantes qui se fera tout au long du film, on y verra des cuirassés à la taille gigantesque, un vaisseau de pirate pour le moins résistant, des petits appareils s’inspirant de certains animaux (libellules par exemple) et autres dirigeables. Cette célébration de l’aviation passe aussi par le héros, Pazu, dont le père, grand aviateur, fut le premier à avoir vu Laputa, le château dans le ciel. Son rêve est de voyager à la recherche de Laputa pour à son tour l’apercevoir. Il se construit un avion pour atteindre son objectif. Miyazaki marque bien ici l’état d’esprit des pionniers de l’aviation, dont le but était de réaliser des exploits et d’aller le plus loin possible. Et l’amour du réalisateur pour le ciel transparaît au travers de scènes plus simples, mais d’un impact fort : je pense notamment à la scène où Pazu joue de la trompette sur le toit de sa maisonnette : les pigeons s’envolent, et nous font admirer le magnifique décor… Simple, beau, prenant, on est sous le charme de ses animaux volant sur une musique virevoltante et pure… Le film regorge de passages comme ceux-là, et c’est vraiment agréable à suivre.
Le cellulo, c’est bien
Attention, je ne critique pas les nouveaux procédés de réalisation à l’ordinateur, quand ceux-ci sont bien maîtrisés (Ghibli notamment y parvient à la perfection). Mais le cellulo dégage un charme particulier, les personnages ont cet aspect encore un peu crayonné, les décors sont peints, en un mot, c’est superbe. Je retiens particulièrement la scène où un immense nuage tourne sur lui-même : je me suis demandé comment les animateurs ont réussi à faire cela si bien, sans ordinateur, en gardant une constance et une régularité impressionnante. Cela montre bien le talent du studio et force le respect. La partie sonore n’est pas en reste, superbe, Joe Hisaishi signant ici une de ses meilleurs compositions : entre le superbe thème de fin Kimi o Nosete, les compositions plus nerveuses des scènes d’action et la reprise de Kimi o Nosete chantée en chœur, nos oreilles ont de quoi se régaler. Un sans-faute technique et qui n’a pas vieilli pour un sou, malgré les 19 ans du film.
Chef-d’œuvre
Perle de l’animation, premier film de Ghibli, merveilles des merveilles, Tenkû No Shiro Rapyuta (le titre original) est une totale réussite. Passionnant du début à la fin, véritablement émouvant, doté d’une atmosphère divine, il mérite toute votre attention. N’hésitez surtout pas à vous le procurer ou à aller le voir au cinéma lors d’une programmation en Arts et Essais. Un chef-d’œuvre de l’animation japonaise, tout simplement.
Shitan